ROMANS



Lacroix : Statistiques du département de la Drôme 1835



ROMANS



ROMANS (Remanum, villa de Romanis). - Située sur la rive droite de l'Isère, à 10 kilometres du confluent de cette rivière avec le Rhône, la ville de Romans, que traverse la route de Grenoble à Valence, n'est qu'à 18 kilomètres de cette dernière ville. Ses remparts, flanqués de plusieurs tours, percés de cinq portes et entourés d'un fossé, forment au levant, au nord et au couchant, un demi-cercle, dont l'Isère est au midi le diamètre. Un fort beau pont de pierre est jeté sur la rivière, et communique au Bourg-du-Péage.
Il s'est élevé divers systèmes sur l'origine de Romans : les uns veulent qu'elle remonte aux rois celtes ; les autres assurent que cette ville a été bâtie par une colonie romaine, sous l'empire d'Auguste ou de Néron ; d'autres enfin prétendent qu'elle doit sa fondation à Saint Barnard, quarante-neuvième archevêque de Vienne. Quoi qu'il en soit, les progrès de la population furent amenés par la sagesse du gouvernement théocratique des premiers religieux qui s'y établirent vers l'année 837, sous la règle et l'autorité de ce prélat. En défrichant la terre et en instruisant le peuple, ils reçurent des dîmes, obtinrent de grands priviléges, et attirèrent autour d'eux de nouveaux habitans.

Romans
Dans ces temps reculés, l'église dominait dans les villes, tandis que les seigneurs étaient maîtres de la campagne. Il est vrai de dire que le chapitre Saint-Barnard finit par donner des lois trop dures à cette population qu'il avait en quelque sorte créée. Toutefois, il s'établit ce qu'on appela de bonnes coutumes, plus favorables à la liberté que partout ailleurs. Les chanoines, protégés par les empereurs, hors du domaine des dauphins, ayant pour chef l'archevêque de Vienne, dont la cour rendait des arrêts auxquels les princes et les grands ne refusaient pas de se soumettre, offraient des avantages et des garanties à ceux qui voulaient se soustraire au régime féodal.
Aussi l'histoire de la province et les anciennes chartes sont-elles remplies du récit des guerres que les seigneurs voisins ne cessèrent de susciter à la ville de Romans, dont la prospérité toujours croissante leur causait de l'ombrage.
Les dauphins, entre autres, ne cessèrent de faire à cette ville d'injustes guerres. Ils frappaient avec le glaive, et faisaient des prisonniers pour peupler leurs terres. Ces violences furent portées aux plus grands excès. En 1133, les maisons furent saccagées, les chanoines chassés, leur église brûlée. Le comte Guigues fut accusé d'être l'auteur de ces calamités. Il reçut son absolution aux pieds d'un légat, et crut racheter ses crimes par un pélerinage à Saint-Jacques-de-Galice.
Les habitans, pour se mettre à l'abri de nouveaux outrages, entreprirent de s'enfermer par des murailles, et le dauphin, qui n'avait d'autre droit d'en empêcher la construction que celui du plus fort, s'y opposa les armes à la main. Le pape interposa sa médiation sans succès. D'autres médiateurs furent plus heureux, et, par un traité de 1134, les chanoines achetèrent la permission de clorre la ville.
Tandis que cette enceinte s'élevait lentement, Reynaud-François, seigneur de Peyrins, dont la terre s'étendait jusqu'au pied des remparts (car la ville n'avait point encore de territoire), attaqua de rechef les habitans, alléguant que leur entreprise était contraire aux conventions précédemment faites. Il s'empara des eaux, ravagea les vignes et enleva les récoltes. On termina ces débats en 1160. Reynaud consentit à ce que l'on continuât les fortifications ; mais le dauphin prétendit qu'il n'appartenait point au seigneur de Peyrins de permettre à une ville de se fortifier : il fallut recourir à l'archevêque et à des médiateurs, qui firent accepter un traité par lequel la construction des murs fut définitivement autorisée.
La sûreté de cette clôture, la protection du clergé, l'attrait des bonnes coutumes, attirèrent une foule d'étrangers, qui, ne pouvant tous se loger dans la ville, formèrent des faubourgs hors des portes. Ils y firent des fortifications, ravagèrent à leur tour les terres du dauphin Humbert II, et insultèrent ce prince, qui assiégea la ville en 1341. Un traité fait et rompu, suivi de nouveaux outrages, leur attira un second siége en 1342. Ils ouvrirent les portes au vainqueur, et furent punis de leur révolte. Le dauphin, maître de Romans par droit de conquête, lui accorda, en 1344, un territoire à prendre sur ses domaines environnans.
Cette ville fut jusqu'au XVIme siècle le centre d'un commerce considérable de draperies, dont la réputation s'étendait jusque dans l'Asie. Ses draps tenaient lieu de monnaie par la voie de l'échange, dans les états du sophi et du grand-seigneur.
Sa population, aujourd'hui de 9,285 ames, était anciennement plus forte. On croit qu'elle se portait à 12,000 au moins, et l'on se fonde sur le nombre des troupes qui furent mises sur pied contre les dauphins dans diverses circonstances, et en 1281 et 1345 contre les évêques de Valence, qui, constamment en guerre avec les comtes de Valentinois, la firent aussi aux habitans de Romans, lorsqu'ils les crurent du parti de ces derniers ; on se fonde encore sur l'énormité des amendes qu'on infligea à la ville toutes les fois qu'elle fut vaincue.
On attribue cette diminution de population aux troubles religieux, dont elle a grandement souffert, à la chûte du commerce de la draperie, et à la peste qui y a exercé cinq fois ses ravages depuis 1442 jusqu'en 1631.
Le chapitre Saint-Barnard existait encore au moment de la révolution, mais depuis plusieurs siècles il ne conservait plus rien de son ancienne puissance. Son église, qui est devenue celle de la paroisse, est fort remarquable.
La ville de Romans, la seconde du département par sa population, est une des plus riches et des plus intéressantes par son commerce et l'industrie de ses habitans. Il y a cinq foires par an et un gros marché le vendredi de chaque semaine. La foire du 1er septembre dure trois jours. Il y a des filatures de coton, des fabriques d'ouvraison de la soie, de draps, de serges et de ratines, de bonneterie, de tissus de bourre-de-soie et de filoselle, des tanneries, des fours à chaux et à plâtre. On y commerce aussi en épiceries, laines, toiles, étoupes, peaux, orfévrerie, chapélerie, etc.
Le territoire produit des grains, du vin, des fourrages, de la soie, des noix et des amandes.
Cette ville était autrefois le siége d'une élection, et maintenant elle est celui du tribunal de commerce de l'arrondissement de Valence et le cheflieu d'un canton. Il y a un bureau de poste, un bureau d'enregistrement, un contrôle des contributions directes, une poste aux chevaux, une brigade de gendarmerie à cheval et des casernes. Elle a un collége et plusieurs pensionnats pour l'éducation des jeunes demoiselles. Il y a de belles promenades qui dominent la ville et une partie de la vallée de l'Isère.
On prétend que la situation de Romans a beaucoup de rapport avec celle de Jérusalem, et que l'éminence qu'embrassent ses murailles ressemble au Mont-Calvaire. Romanet Boffin, qui le premier en fit la remarque, éleva sur cette éminence un bâtiment où l'on représenta le saint-sépulcre tel qu'il est au Calvaire. Boffin y fonda un monastère qui passa aux religieux de Saint-François, sous le titre de maison du Mont-Calvaire. Il fut ruiné dans les troubles religieux de 1562. Des récollets, qui s'y établirent le 27 novembre 1612, y sont restés jusqu'en 1790. C'est là qu'est maintenant placé le grand séminaire du diocèse de Valence.
A sept ans seulement d'intervalle, le parlement de Grenoble s'est deux fois retiré à Romans. La première fois, en 1590, pendant les troubles de la ligue, la chambre des comptes, le bureau des finances, le bailliage, la fabrication des monnaies et les juridictions subalternes, y furent également transférés. En 1597, une épidémie faisant de grands ravages à Grenoble, le parlement et la chambre des comptes vinrent encore à Romans, mais ils n'y restèrent que peu de temps.
Cette ville était le siége assez ordinaire des états de la province : la dernière assemblée s'y est tenue en 1788. Les consuls de la ville y avaient toujours une place marquée.
Hugues, de la famille des ducs de Bourgogne, archevêque de Lyon, et ensuite légat du saint-siége, mort en 1106, et Humbert, général des frères prêcheurs sous Innocent IV, non moins connu par ses talens que par ses dignités, mort à Valence en 1277, étaient nés à Romans.
C'est aussi la patrie de Floquet, célèbre troubadour du XIIIme siècle ;
Du poète Gilbert-Gondoin, qui vivait en 1581 ;
De Séverin de Lubac, mathématicien célèbre pour le temps, qui vivait en 1575 ;
De Melchior Guérin, qui fit en 1680 un Abrégé de l'Histoire sainte et de l'Histoire profane ;
D'Arthur-Thomas comte de Lally-Tolendal, né le 13 janvier 1702, célèbre par son gouvernement de l'Inde, par l'inique condamnation qu'il subit le 9 mai 1766, et par les écrits publiés par son fils pour la réhabilitation de sa mémoire ;
Du lieutenant-général Bon, né le 25 octobre 1758. Il servit d'abord dans l'armée des Pyrénées, sous le général Dugommier, accompagna Bonaparte dans ses premières campagnes, et se couvrit de gloire à la journée d'Arcole et dans l'expédition d'Egypte, où il commandait une division. Il fut blessé mortellement au siége de Saint-Jean-d'Acre, et mourut à la tête des grenadiers de sa division, le 9 mai 1799, après avoir fait des prodiges de valeur.
De Joseph-Michel-Antoine Servan, avocat-général au parlement de Grenoble, non moins célèbre par son éloquence que par ses nombreux écrits sur l'administration de la justice, dans lesquels il signala le premier avec persévérance et courage toutes les réformes qui ont été opérées depuis 1789. Né le 3 novembre 1737, il est mort à Rousseau, près de Saint-Rémi, le 4 novembre 1807.
De Joseph Servan, frère du précédent, qui fut à plusieurs reprises ministre de la guerre, sous l'assemblée législative et la convention. Il commanda en chef l'armée des Pyrénées-Occidentales en 1793, échappa aux poursuites révolutionnaires dont il fut l'objet, et en septembre 1799 il fut nommé inspecteur général des troupes stationnées dans le midi. Sous le gouvernement consulaire, il devint président du comité des revues et commandant de la légion-d'honneur. Il a publié plusieurs écrits sur l'art militaire. Né le 12 février 1741, il est mort à Paris en 1808, revêtu du grade de lieutenantgénéral.
De Pierre-François Duchesne, né le 6 octobre 1743, mort le 31 mars 1814. Avocat au parlement de Grenoble avant la révolution, il fut député de la Drome au conseil des cinq cents, en 1797. Après la révolution du 18 brumaire, il passa au tribunat. En 1802, il y vota avec Carnot contre le consulat à vie, après quoi il se retira, en donnant une démission motivée qui fit le plus grand honneur à son courage et à son patriotisme. Le collége électoral de la Drome l'élut peu de temps après son candidat au sénat, mais il ne fut point nommé.
De Gabriel-Gaspard-Achille-Adolphe Bernon de Montelégier, né le 6 janvier 1780. Il prit du service comme soldat en 1797, fit la campagne d'Égypte dans un régiment de hussards, et montra en maintes circonstances une brillante intrépidité. Il fut nommé sous-lieutenant sur les champs de bataille de Redisi et des Pyramides. A Redisi, il reçut deux coups de sabre, et aux Pyramides il entra le premier dans les retranchemens. Kléber le nomma capitaine en 1800. En 1810, il était colonel de dragons et baron de l'empire. Pendant quinze mois, il fut aux avant-postes du duc de Dalmatie en Estramadure. Nommé maréchal-de-camp, il commanda, pendant la campagne de Leipsick, la première brigade des dragons venus d'Espagne. Blessé à Brienne, en 1814, il revint à Paris, et fut le premier officier-général de l'ancienne armée qui se rendit à Livry au-devant du comte d'Artois. Il devint aide-de-camp du duc de Berri, vicomte, lieutenant-général et gouverneur de la Corse, et c'est pendant ce commandement supérieur qu'il mourut à Bastia le 2 novembre 1825.
De Pierre-Claude Dedelay-d'Agier, comte de l'empire, né le 25 décembre 1750, mort au Bourg-du-Péage le 4 août 1827. Il fut membre de l'assemblée constituante, du conseil des anciens, du corps législatif et du sénat conservateur. Il est mort pair de France. Il se fit constamment distinguer dans nos assemblées législatives par ses connaissances en économie politique, son élocution facile et abondante et son zèle ardent pour le bonheur public.
De Jean-Baptiste Dochier, membre de l'académie delphinale, né le 2 décembre 1742 et mort le 28 décembre 1828. Avocat avant la révolution, il fut membre de l'assemblée législative, juge au tribunal de cassation et maire de Romans. Il a publié, en 1783, des Recherches historiques sur la taille ; en 1789, un Éloge du chevalier Bayard ; en 1812, des Mémoires sur la ville de Romans ; en 1813, une Dissertation sur l'origine et la population de Romans, et en 1817, un Essai historique sur l'ancien chapitre de Saint-Barnard.
Du maréchal-de-camp Étienne-François-Reymond Pouchelon, baron de l'empire, né le 28 octobre 1770, mort commandant du département de la Drome, le 4 septembre 1831. Parti comme volontaire en 1791, il gagna tous ses grades sur le champ de bataille, et se distingua à Novi, Millesimo, Lodi, Rivoli, Arcole, en Egypte, en Allemagne et en Russie.
De M. le lieutenant-général Saint-Cyr Nugues, pair de France, né le 18 octobre 1774, l'un des officiers-généraux d'état-major les plus distingués de l'armée française. Il s'est particulièrement illustré comme chef de l'étatmajor général de l'armée sous les murs d'Anvers, en 1833.

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